[ VHS ou DVD disponible à la médiathèque des 3 mondes ]
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Il existe mille et une histoires ordinaires tous les jours et partout dans le monde. Elles sont petites, laides et sales. Elles brisent pour un instant l'harmonie des apparences et nous ouvrent les yeux sur l'enfer. C'est une de ces "histoires" que raconte L'Arche du désert de Mohamed Chouikh. Un conte qui ne commence pas par "il était une fois", mais par "il existe" sans énoncer le temps et le lieu. Dans une mer de sable qu'on appelle désert, une arche, qu'on appelle aussi oasis. Une histoire de baisers anodins entre Myriam et Amin va bouleverser l'ordre établi pendant des générations, entre les différentes ethnies. Cette entorse aux vieilles conventions, dont personne ne demande ni ne connaît plus le sens, montre les frontières jusque là invisibles entre les ethnies. Pour ces frontières il n'y a pas de mots, celles qui sont visibles s'appellent racisme. Il existe un élément pour lequel les différences sociales et raciales ne jouent aucun rôle: l'eau. Devant cette eau tout le monde est égal et parce que cette égalité semble insupportable, les habitants détruisent ce qui est l'essence de leur vie. A l'inverse du mythe de l'Arche de Noé, l'Arche du Désert devient lieu d'autodestruction de ceux qui y ont cherché refuge. Les hommes provoquent la catastrophe qu'ils voulaient éviter. Ils ne connaissent plus le pardon des vieux mythes. El Moutanabi, tel Noé, se retrouve seul sur son bateau dans le désert, comme un anachronisme. Pas même une bête ne cherche sa protection. Il attend le déluge qui changerait son épave en Arche et lui en Noé. C'est un fou, un fou hors de son temps, qui attend du ciel une violence qu'il ignore sur terre. L'Arche du désert est un bâteau fantôme.
J'ai puisé mes sources narratives et esthétiques dans la culture du verbe et de la poésie populaire, celle des couleurs vives et celle où le geste grossit démesurément l'amour et la haine, celle aussi où la passion amplifie les drames. L'Arche montre un peuple pauvre vivant dans une cité éphémère bâtie sur et avec du sable. Dans ce désert hostile où l'environnement est fragilisé au gré des tempêtes et du vent, les êtres demeurent comme le seul relief. lls s'accrochent éperdument à leurs histoires, leurs légendes, leurs courages et leurs lâchetés. Leur attitude fétichiste frise le plus souvent le ridicule. Leur passé est pavé de proverbes, ou d'exemples hors du temps. Leur vie est parallèle à leur mémoire qui elle, rectifie le moindre écart aux us et coutumes. La gestion de la cité est fondée sur l'héritage culturel. Elle peut être en harmonie quand on respecte ses règles et en conflit quand on déroge à ses principes. La pauvreté est la cause principale des conflits. L'instinct de propriété se développe autour des choses qui paraissent vitales, la mère de la discorde est la terre et son espace."
Mohamed CHOUIKH
Image : Mustapha Belmihoud
Montage : Yamina Chouikh
Son : Rachid Bouaffia
Musique : Philippe Arthuys
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