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De retour dans l'île de Guadeloupe que son père a quitté 50 ans plus tôt, la cinéaste remonte le cours du temps pour retracer l'histoire de son nom. Au fil de ce voyage initiatique sur les terres d'enfance de son père, son enquête nous transporte jusqu'à l'époque de l'esclavage. Aux archives, dans les jardins créoles ou les ruines des usines à sucre, se croisent les chemins d'une mémoire vivante, se dessine la vision d'un pays où les récits, les corps, les musiques, parlent avec force d'une histoire qui résonne encore.
Le récit d'une quête des origines. C'est ce que propose aux téléspectateurs la réalisatrice métropolitaine d'origine guadeloupéenne Sylvaine Dampierre. La cinéaste est partie en Guadeloupe remonter le cours du temps pour retracer l'histoire de son nom. Cette quête lui permet de faire le lien entre cette île que son père a quittée cinquante ans plus tôt et son fils élevé en France.
Inévitablement, le voyage initiatique entrepris par Sylvaine Dampierre évoque l'époque de l'esclavage et de la "dation des patronymes". Cet épisode, qui a suivi l'abolition de 1848, a vu les esclaves devenus citoyens troquer leurs matricules contre des noms de famille attribués arbitrairement par les officiers d'état civil.
Aux Archives départementales, dans les jardins créoles hérités des jardins d'esclaves ou encore sur les ruines d'une usine à sucre vestige d'un passé industriel révolu, le film s'engage sur les traces d'une mémoire vivante et restitue la vision d'un pays où les récits, les corps et les musiques parlent avec force d'une histoire qui résonne encore.
On y croise Michel Rogers, un généalogiste habité qui s'est donné la mission d'arracher, famille après famille, tout un peuple à l'oubli. On y rencontre aussi la chorégraphe Léna Blou qui transmet à ses élèves un langage du mouvement issu de la danse traditionnelle et réveille par sa technique la mémoire inscrite dans les corps. On y entend enfin le récit du père qui s'est construit dans l'exil et évoque le temps où, pour réaliser son avenir, il fallait aller en France. À travers la Guadeloupe d'aujourd'hui, ce documentaire tend un miroir à la France "dite métropolitaine" et part à la recherche de l'envers du pays.
"On dit que dans ce pays les récits sont enfouis, les paroles serrées derrière des lèvres closes, les secrets bien gardés et la mémoire blessée. On le dit et c'est sûrement vrai. L'histoire de ce pays est courte et douloureuses, elle a la fragilité des souvenirs. Les traces se perdent de n'être pas foulées et les grandes personnes n'ont pas tout raconté aux enfants perdus. Les racines des arbres disputent à la mémoire des hommes, les figuiers maudits dévorent les anciennes prisons d'esclaves et les machineries des usines déchues disparaissent, enserrées par les lianes; les parkings et l'asphalte assèchent ce qu'il reste de souvenir. Mais il suffit de gratter la terre, de se laisser caresser par le vent, d'ouvrir les yeux et les oreilles, de regarder autour de soi pour rencontrer les porteurs de mémoire, les arpenteurs, les jardiniers. Le pays parle, il suffit de l'écouter. Ici la mémoire est fragile, elle s'inscrit dans les corps plutôt que dans le marbre, mais elle est vivante, elle est à réinventer. J'aime les traces incertaines, les documents à moitié effacés, les interstices de la mémoire pour ce qu'ils recèlent d'invention, pour ce qu'ils laissent imaginer. Je rêve avec les personnages de mon film d'une histoire plurielle, de toutes les histoires encore enfouies, de tous les contes encore à dire. Il suffit de gratter la terre, d'arpenter le pays, d'entendre son appel, de se mettre à danser."
Sylvaine Dampierre
Avec :
Jean Dampierre, Manuel Gomez, Léna Blou, Michel Rogers, Suzette Créantor, Adeline Jacques
Productions : Atlan Films/Yumi Productions
Producteur - Stéphane Sansonetti /
Image - Renaud Personnaz /
Son - Myriam René /
Montage - Sophie Reiter /
Collaboration artistique - Bernard Gomez /
Musique - Laurent de Wilde /
Coordination Guadeloupe - Gilda Gonfier
Durée : 1h30 min & 52 min
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