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Réalisé par Emmanuel Blanchard et Karim Miské, "Musulmans de France"* retrace un siècle d'histoire en trois épisodes. La trilogie "Indigènes" (1904-1945), "Immigrés" (1945-1981) puis "Français" (1981 à nos jours) est une fresque passionnante et inédite qui raconte un siècle de présence musulmane en France. De l'arrivée de quelques milliers de Kabyles dans les mines du Nord en 1904 à la nomination de trois ministres "musulmanes" au gouvernement en 2007...
Musulmans de France - épisode 1
Indigènes 1904-1945
En 1904, cinq mille musulmans travaillent en métropole. Ouvriers dans les usines de la capitale, les savonneries marseillaises ou le bassin minier du Nord, ils sont des sujets coloniaux et n'ont pas les mêmes droits que les citoyens français.
La première guerre mondiale en fera des soldats. Venus d'Afrique du Nord et d'Afrique noire, ils découvrent la France dans les tranchées de Verdun. 80.000 morts, autant de blessés. Au lendemain de la guerre, la France salue le sacrifice des troupes coloniales : elle est alors fière d'être un grand empire musulman. Pour preuve, la construction de la mosquée de Paris, en 1926, et les honneurs réservés à son premier recteur, Si Kaddour Ben Ghabrit, musulman d'Algérie et haut fonctionnaire du Quai d'Orsay.
Mais cette politique islamophile de prestige doit être confrontée à la situation des cent mille musulmans venus reconstruire le pays. Mal logés, en mauvaise santé, considérés comme dangereux, ils sont tenus à l'écart du reste de la population. L'hôpital "franco-musulman" qui leur est exclusivement réservé est étroitement lié aux services de police. Une police spéciale, la brigade nord-africaine, assure un contrôle minutieux et traque sans relâche les premiers indépendantistes menés par Messali Hadj. Car la politisation fait son chemin, et on retrouve les ouvriers musulmans dans les défilés du Front Populaire. Mais l'histoire se répète : La France recrute à nouveau massivement dans les colonies.
Musulmans de France - épisode 2
Immigrés 1945 -1981
1945, c'est le début d'une autre histoire, le temps de l'enracinement. La vie des travailleurs Algériens et Marocains s'organise désormais autour des cafés, des hôtels, des épiceries… Ils ont été rejoints par leurs épouses. Des enfants naissent en France.
Tous prennent de plein fouet la guerre d'Algérie, qui s'exporte sur le territoire métropolitain où les attentats se multiplient. Pour les autorités, les Nord-Africains sont désormais des suspects, sans distinction. La violence policière atteindra son paroxysme le 17 octobre 1961.
Chèrement gagnée, l'indépendance n'inversera pourtant pas les flux migratoires. Et les Algériens continueront d'affluer massivement vers la France et ses bidonvilles, où ils sont désormais des immigrés. Sur fond de misère, le fossé se creuse avec leurs enfants qui fréquentent les écoles de la République et s'immergent dans la culture française.
Mai 1968 fait surgir la "question immigrée" dans le débat public et suscite une vaste campagne de relogement dans des foyers et des HLM. C'est l'occasion pour l'opinion de découvrir la présence discrète des travailleurs africains. Issus eux aussi de la colonisation française, ce sont pour la plupart des musulmans venus du Sénégal, du Mali et de Mauritanie.
Mais les années 1970 restent celles d'un interminable après guerre d'Algérie : crimes racistes, difficile cohabitation entre Nord-Africains et Pieds-noirs dans le sud-est de la France, drame des Harkis, toujours parqués dans des camps…
Au seuil des années 1980, les enfants d'hier sont devenus des adolescents. Ils vivent aux Minguettes, à Nanterre, ou à Marseille, on les appelle encore immigrés. La France ne les a pas vu grandir. Elle va bientôt apprendre à compter avec eux.
Musulmans de France - épisode 3
Français 1981 - 2009
Nés en France, ceux que l'on commence à appeler "beurs" entrent dans l'âge adulte en pleine crise économique. Leur culture est métisse, entre École de la République et traditions familiales venues du "bled". Face à la recrudescence des crimes racistes, mais aussi pour que la France découvre qu'ils existent, les jeunes Arabes des banlieues débutent en 1983 une Marche pour l'égalité et contre le racisme (ou Marche des Beurs) qui rassemble à son arrivée à Paris plus de cent mille personnes..
Leurs espoirs seront vite déçus… La fin des années 1980 est marquée par la montée du Front National, qui agite le thème d'une identité française menacée par une "invasion" arabo-musulmane. En réaction, une partie de ces jeunes, en plein désarroi, se replient à leur tour sur une autre identité rêvée : l'identité musulmane. C'est le début de l'affaire du voile (1989). L'été 1995, une série d'attentats secoue la France. Khaled Kelkal, un jeune de Vaulx-en-Velin passé au terrorisme, devient l'ennemi public numéro 1. Dès lors, la confusion entre pratique de l'Islam et Islamisme s'amplifie.
Pourtant, alors que les projecteurs se braquent sur ce qui reste une dérive très minoritaire, dans les cités, jeunes Arabes et jeunes Noirs inventent, à partir du hip hop made in USA, une contre-culture qui devient culture de masse, et les propulse sous les projecteurs.
S'ouvre alors une période paradoxale. Alors que le pays célèbre dans l'hystérie les couleurs black-blanc-beur de 1998, la Seconde Intifada (2000) devient un combat de substitution pour certains jeunes désorientés qui attisent les tensions avec la communauté juive. Un an plus tard, l'effondrement des tours jumelles achève de stigmatiser les musulmans. Les émeutes de 2005 n'arrangent rien à l'affaire. C'est pourtant dans ces années 2000 que l'expression "Musulmans de France" prend tout son sens.
La série documentaire "Musulmans de France" sera disponible en double DVD dès le 11 mars 2010
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